Un X qui fait du code
Quand on évoque l'Ecole Polytechnique, on pense à Valéry Giscard d'Estaing (X1944), Jacques Attali (X1963) ou bien Anne Chopinet (X1972), on pense peut-être à Carlos Ghosn (X1974), et l'on n'oublie pas Élisabeth Borne (X1981). En somme, des personnes de pouvoir et d'influence. On pense un peu moins aux 500 hommes et femmes qui constituent chaque promotion et embrassent des carrières très diverses.
Tout le monde en effet n'est pas capitaine d'industrie ni premier ministre, tout le monde ne veut pas l'être, d'ailleurs. Certains s'orientent vers les sciences humaines, l'économie, l'archéologie, le spectacle, le cinéma, la littérature, la musique, la médecine, le sport, la diplomatie ou l'entrepreneuriat, quand d'autres encore choisissent de rentrer dans les ordres. Ce recensement proposé par Wikipédia vous instruira agréablement.
Cette étendue des possibles et la liberté de pensée qu'elle suppose, je n'en avais pas connaissance au moment où j'ai intégré l'école, en 2004. Pour moi, être polytechnicien, c'était l'obligation d'exercer de hautes fonctions, et une partie de moi aspirait à cela, par besoin de reconnaissance. J'avais au fond une image fantasmée de l'école et des élèves qui la peuplaient, des surhommes bien éloignés de l'humain faillible que je savais être.
Il faut dire, on nous met un peu la pression en arrivant : "Vous êtes l'élite de la nation", ai-je souvent entendu. Cette phrase, nourrie de bonnes intentions, m'a durablement éloigné de ce qui était important pour moi. Ce qui m'a ramené à moi-même, c'est d'aller toujours plus vers ce que j'aime et les gens que j'aime, quitte à ne pas suivre les chemins les plus classiques – peu de polytechniciens travaillent en effet au plus près du code, peu exercent leur métier sous le statut d'indépendant. Est-ce ce que l'on attend d'un polytechnicien ? La question ne se pose pas.
Ce changement m'a pris plus de 15 ans… 15 ans pour revenir à ce que j'avais toujours aimé : le code et les gens (l'un ne va pas sans l'autre). 15 ans pour me sentir aligné avec moi-même, en congruence, et ne plus pouvoir dire si je travaille ou si je m'amuse. Des montagnes de questions ont disparu, et avec elles le sentiment de ne pas être à ma place. Je n'ai pas fait de grand changement de carrière à coups de chèvres dans l'Ardèche, mais plutôt une succession de petits changements qui, à force, en font de plus grands et peut-être de plus sûrs.
En tout cas, je suis mille fois reconnaissant à l'X pour ce qu'elle m'a donné et les portes qu'elle m'a ouvertes. Aujourd'hui, je suis "un X qui fait du code", une formule que j'emprunte sans vergogne à mon ami Stéphane Dalbera 😉