"Si tu veux [programmer] mieux, arrête de [programmer] pendant 2 ans"

La nuit, une lampe de bureau éclaire un ordinateur resté fermé.
Photo de Beth Jnr sur Unsplash

Ce conseil émanait en fait d'un photographe : "Si tu veux photographier mieux, arrête de photographier pendant 2 ans", suggérait-il. La proposition semble paradoxale, mais elle est pleine de sens. Voici comment je la comprends : la technique est là, mais il te manque le sujet, le fond, le cœur, le supplément d'âme. Tu fais de la photographie technique.

Aïe.

Bon, on comprend bien que l'idée garde tout son sens si l'on remplace "photographier" par "programmer", ou par n'importe quelle activité impliquant entre autres choses un socle technique qu'il faut apprendre à maîtriser. On comprend également que la durée n'est pas gravée dans le marbre : c'est peut-être 3 mois, 1 an, plus s'il le faut, et c'est aussi bien sûr fonction de vos capacités financières – une réalité qu'on ne peut rayer d'un trait de plume.

Partons malgré tout de cette hypothèse : vous faites une pause dans la programmation. Un break d'un mois ou un break d'un an, à vous de voir. Vous vous éloignez de tout ce qui ressemble à un clavier, de tout ce qui pourrait compiler, de tout ce qui évoque de près ou de loin un ticket Jira. Vous renoncez pour un temps à cette exigence incessante de faire mieux et plus vite. Et vous faites : autre chose. Lire, échanger, observer, admirer, expérimenter, ce que vous voulez. Tout, sauf programmer.

Quand vous aurez bien fait le tour du sujet et que la méditation n'aura plus de secret pour vous, vous sentirez peut-être que quelque chose vous manque. Le besoin de créer, en l'occurrence. Nous sommes nombreux à nous sentir animés par cette envie, ce désir de bâtir de belles choses, nos cathédrales intellectuelles. Mais parfois le quotidien et son lot de contrariétés prennent le dessus et nous le font oublier. Ne plus programmer devient alors une voie pour mieux retrouver l'envie… de programmer.

Ensuite, viendra le temps de vous asseoir à nouveau face à un clavier. Ce moment a des chances d'être déroutant, étant donné que vos automatismes auront disparu. Mais le bon côté des choses, c'est que vous serez l'observateur extérieur et impartial du développeur que vous étiez : "tiens, pourquoi je faisais ça comme ça ?" Ou, plus sauvage : "quel est le c** qui a écrit ça ?" Vous, évidemment. Ce sera donc l'occasion de questionner vos anciennes habitudes et de porter un œil neuf sur votre travail. Vertigineux et salutaire.

Mais, plus profondément, ce temps de recul vous aura permis de parcourir un peu le monde et de vous intéresser à d'autres réalités que la chose informatique. Comprenez-moi : l'informatique est merveilleuse, elle est excitante, mais pour la mille et unième fois, l'informatique n'est pas une fin en soi. L'informatique est là pour résoudre des problèmes de "la vraie vie", celle où des personnes âgées sont esseulées, celle où des gens qui travaillent dorment dans leur voiture, celle où des gens au bout du rouleau tentent de mettre fin à leurs jours en tentant de réserver un billet de train sur SNCF Connect 🫢

Vous avez compris le topo : l'informatique, pour quoi faire ? C'est un peu la crise de la quarantaine appliquée à l'informatique, mais c'est un passage obligé et essentiel. On en sort avec un sentiment d'urgence à faire des choses utiles et la conviction que l'on pourrait toujours en savoir plus, mais que ce n'est pas ça qui fera la différence.

Vous voyez de quoi je parle ?

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