Rest In Peace

Une pierre tombale à la mémoire de la Direction des Systèmes d'Information

J'ai traîné mes guêtres pendant près de 15 ans dans de très grandes entreprises, celles du CAC 40. Ça a commencé fin des années 2000 et ça fleurait bon la "DSI" (Direction des Systèmes d'Information).

J'en ai connu toutes les affres, à commencer par une défiance tout à fait perceptible entre la DSI et les directions pour lesquelles elle était sensé travailler : finance, ressources humaines et diverses entités du cœur de métier de ces entreprises.

Concrètement, je passais mes journées à me faire taper dessus parce que les choses n'allaient pas assez vite, coûtaient trop cher ou ne fonctionnaient pas comme prévu. J'étais moi-même le premier insatisfait de la qualité du service rendu.

Je me suis souvent interrogé sur ma part de responsabilité durant ces années, et j'en avais une naturellement. A commencer par le réflexe du repli sur soi et la facilité de convenir, avec mes collègues informaticiens, que ces fichus clients ne comprennent rien.

Pourtant, toute cette médiocrité (appelons un chat un chat) avait avant tout une raison structurelle : le fait de considérer l'informatique comme un simple coût, sans mesurer et mettre en regard les profits générés au niveau de l'entreprise.

Vous voyez la conséquence ?

On ne peut optimiser que ce qu'on mesure. Si la seule mesure d'un système est son coût, la seule manière d'améliorer le système est d'en réduire le coût. C'est d'ailleurs tout le problème des "fonctions support" (finance, RH…) et de la culture des coûts qui va avec.

Sauf qu'au moment d'établir les budgets, la confiance n'étant pas là, les directions clientes demandent à la DSI de s'engager sur les 3 dimensions coût, délai et qualité, qui constituent un triangle infernal.

On voit mal la direction financière dire "ben mettons 3 devs et puis on verra bien ce qu'on peut faire en un an, de toute façon on va fonctionner de manière itérative", ce qui serait pourtant la seule chose rationnelle à faire.

Donc, là encore, l'organisation conduit fatalement aux méthodologies waterfall, qui sont la négation-même de l'agilité — faut-il encore le rappeler ?

Si on tire le fil de la pelote, c'est l'existence des DSI qu'il faut remettre en question. Les outils informatiques générant de la valeur au second ordre (ils améliorent l'efficacité de l'entreprise), la mesure du profit restera toujours malaisée et artificielle. Ainsi, une DSI restera ce qu'elle a toujours été : un centre de coût.

Heureusement, d'autres organisations ont depuis vu le jour, généralement basées sur le schéma suivant :

  • Des équipes de quelques développeurs totalement intégrées au métier, c'est-à-dire travaillant dans les mêmes bureaux et non distingués en termes de coûts ;

  • Une animation technique transverse, assurée par une Direction Technique réduite et qui vise à créer une émulation entre développeurs et favoriser le partage de connaissances.

Bref, R.I.P. chère D.S.I.

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