Réhabiliter la perfection

Réhabiliter la perfection
Photo de Maxim Berg sur Unsplash

De nos jours, la perfection n'a plus la cote : vous êtes à court d'arguments pour refuser ce job qu'on vous propose ? Dites simplement que vous êtes perfectionniste !

Oui, on a tous l'image de la personne qui se perd en détails inutiles et passe à côté de l'essentiel. Le souci extrême du travail bien fait peut, à l'évidence, aller à l'encontre des priorités dictées par la concurrence et le besoin impérieux pour une entreprise de dégager des bénéfices. L'efficacité, l'efficience et le pragmatisme sont à juste titre des valeurs cardinales en entreprise.

Mais avouez : que la perfection soit devenue un gros mot relève quand-même du paradoxe. Avant d'être un excès, la perfection était bien une qualité.

À bien y regarder, il faudrait introduire une différence entre perfection et perfectionnisme. Malheureusement, ces quelques lignes n'y suffiraient pas, aussi je vous propose de passer directement à la question qui nous importe :

Comment lever ce paradoxe ?

Peut-être faut-il voir la perfection comme une asymptote : 1 - 1/x. Quand x tend vers l'infini, on se rapproche toujours plus de 1 sans pourtant jamais atteindre la valeur. Autrement dit, la perfection n'est pas de ce monde, la perfection n'a peut-être pas besoin d'être atteinte, mais cela n'empêche pas de tendre vers elle.

La perfection serait donc un idéal, une ambition qui nous guide, une valeur qui nous aiguillonne et nous rend meilleurs. On peut, on doit chercher à s'en rapprocher.

Pourquoi est-ce important ? Parce que si l'on abandonne l’idée de perfection, on abandonne l’idée même d’amélioration. Si on ne cherche pas à faire très bien, on ne cherche pas à faire mieux et on ne cherche plus à faire bien.

Par quels moyens ?

Dans mon métier, la production de logiciels, on parle de principe du boy scout : "Toujours laisser l'endroit en meilleur état que celui dans lequel vous l'avez trouvé". Lorsque je dois corriger un bug ou ajouter une fonctionnalité, j'en profite pour restructurer le code, le rendre un peu plus lisible, plus modulaire et rajouter des tests. Ça n'est jamais que l'amélioration continue à l'œuvre.

Sinon, l'entropie prend le dessus et, jour après jour, la codebase se délite. Pourquoi je m'embêterais à essayer d'améliorer les choses, vu que de toute façon la codebase est irrécupérable ? Effet autrement connu sous le nom de théorie de la vitre brisée.

Alors, ensemble, réhabilitons la perfection. Osons relever le niveau d'exigence, comme le propose le manifeste de l'Artisanat logiciel. Soyons ambitieux, visons plus haut.

Et aux esprits chagrins qui, à n'en pas douter, objecteront qu'efficience et qualité de code sont incompatibles, documentez-vous.

Subscribe to Mathieu Eveillard

Don’t miss out on the latest issues. Sign up now to get access to the library of members-only issues.
jamie@example.com
Subscribe