Pisseurs de code

Urinoirs.
Photo de Oliver Hale sur Unsplash

Jolie expression…

Cela faisait quelques années que je ne l'avais plus entendue, et la voilà qui ressurgit au détour d'une discussion : "Pisseurs de code".

Agréable façon, en effet, de désigner les développeurs et développeuses, ceux qui produisent du code informatique au quotidien.

Si je m'étais exprimé sur le sujet quelques années auparavant, j'aurais mis l'accent sur la bassesse infinie des personnes qui osent parler ainsi. J'aurais évoqué en quelques termes truculents la déchéance intellectuelle et humaine que suppose l'emploi de tels mots. J'aurais évoqué la nécessaire difficulté de ces pantins à se regarder dans une glace. J'aurais évoqué leur monde qui pleure, le mal-être crasse, les sophismes, l’ennui du temps qui passe…

Mais bien sûr, je ne le ferai pas.

Du temps a passé. Suffisamment pour voir que cette expression présuppose un système de pensée dans lequel il n'est d'autre salut que le management.

Comprenez-moi bien : cela n'est en rien une charge contre le management. Seulement, pourquoi notre société le valorise-t-elle tant, au détriment de l'expertise et du leadership ?

Je fais ici écho au récent post de mon ami Stéphane Dalbera, "Riri, Fifi, Loulou : si tu n'es pas C-suite à 25 ans, tu as raté ta vie", qui souligne avec une délicieuse ironie la course aux titres ronflants de ces personnes qui, bien souvent, ne sont chefs que d'elles-mêmes (et encore). N'est-ce pas là le signe d'une époque plus préoccupée par les titres et le paraître que par la résolution des problèmes concrets de notre société et la volonté de faire des choses utiles ?

A contrario, est-il vraiment besoin de rappeler les trésors d'intelligence qu'il faut pour développer du logiciel à l'échelle, les dizaines de milliers d'heures d'apprentissage nécessaires pour produire du code qui résistera à l'épreuve du temps, les qualités d'âme et de cœur qu'il faut pour revenir sans cesse à l'ouvrage, accepter le doute, remettre ses croyances en question et lutter contre soi-même ?

Vous avez dit "artisanat logiciel" ?

A 25 ans, on sort d'école et on ne connaît à peu près rien à la conception de logiciels ni à la vie des entreprises. Nos meilleures armes sont la rigueur, l'envie, la révolte et, plus encore, l'humilité. Une qualité rare qui vous aiguillonne et vous interdit de vous asseoir dans une posture… Surtout qu'à 25 ans, on code à peu près aussi bien que #ChatGPT (ça y est, j'ai réussi à le placer !)

En somme, ce sont des valeurs qui s'opposent. Et vous savez comme moi que les oppositions portant sur les valeurs sont irréconciliables.

Mesdames et messieurs qui parlez de "pisseurs de code" : soyons simples, évitons donc de nous croiser.

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