Markup, hold-up

Markup, hold-up

Que l'on m'explique pourquoi, dans la prestation de services, l'intermédiaire qui met en relation un indépendant et un client final se rémunère en apposant un markup sur le taux journalier (typiquement entre 10 et 30%) ? Je veux dire : qu'il reçoive une commission en contrepartie de ses services, bien sûr ; mais pourquoi chaque jour de la mission, que cette mission dure 3 mois ou 3 ans ?

Osons le parallèle : quand vous achetez un bien immobilier en passant par agence, vous payez un montant one shot, en pourcentage du prix de vente, et puis vous n'entendez plus parler de l'agence. Si ? Vous payez chaque mois quelque chose à l'agence ? Qu'il s'agisse d'un mandat de vente ou d'achat ne change d'ailleurs rien à l'affaire : l'acheteur paie les frais d'agence, directement ou au travers d'un prix d'achat plus élevé.

"La métaphore est trompeuse", me direz-vous : il faudrait comparer la prestation de services à la location d'un bien immobilier, où l'agence se rémunère chaque mois. Peut-être. La question est donc de savoir précisément quelle est la nature du service rendu.

"Ce pourcentage rémunère tout le travail que fait l'intermédiaire pour entretenir la relation avec le client", ai-je entendu. Ah bon ? Ce travail, à qui profite-t-il ? Il profite à l'intermédiaire, pour placer d'autres personnes. L'indépendant, lui, n'y voit aucune valeur.

"Ce pourcentage rémunère l'obligation de l'intermédiaire de trouver un profil identique à celui de l'indépendant en cas de départ de ce dernier", ai-je entendu. Ah bon ? Vous y croyez réellement ? Remarquez, s'il s'agit de produire du code sans égard pour la maintenabilité, effectivement tout le monde peut le faire…

"Ce pourcentage finance le fonds de roulement de l'intermédiaire, parce que ce dernier paie en temps et en heure quand bien même le client final paierait avec 6 mois de retard". Ha ha, pardon. Et moi je suis le Pape et j'attends ma sœur.

Donc non, définitivement, je ne comprends pas ce schéma de rémunération. Permettez-moi ainsi de proposer une alternative plus juste, dont l'idée directrice tient en une phrase : "si je décroche la mission, c'est grâce à toi ; si la mission dure, c'est grâce à moi" :

  • L'intermédiaire a un vrai rôle à jouer dans la rencontre entre l'indépendant et le client final. À ce stade, les parties ne se connaissent pas, tandis qu'il a un historique avec chacune. Son rôle est donc celui d'un entremetteur, qui va favoriser la relation en chantant les louanges de l'un auprès de l'autre. Malgré les échanges préalables, les incertitudes restent grandes au démarrage de la mission et le rôle de l'intermédiaire peut être déterminant pour rassurer et donner envie aux parties, jusqu'à signature des contrats.

  • La mission démarre, les semaines passent, puis les mois. Indépendant et client final apprennent à se connaître, écrivent une histoire commune, et de là naît la confiance. L'asymétrie d'information s'inverse : quand, au démarrage de la mission, l'intermédiaire en savait plus sur le contexte que l'indépendant, ce dernier est maintenant à la source de l'information, dans les murs de l'entreprise. Quand un nouveau besoin émerge, est-il vraiment besoin d'en référer à un tiers qui en sait moins que vous ?

Cela nous aiguille vers une rémunération forfaitaire de l'intermédiaire : c'est peut-être 2 jours pleins de facturation, ou 5, ou 10. Je n'en sais rien, c'est la rencontre entre l'offre et la demande. Et libre à vous d'imaginer des raffinements, pour tenir compte du fait que c'est quand-même un peu salé de payer plusieurs milliers d'Euros si la mission s'arrête au bout de quelques jours. Mais le principe général reste inchangé : ce paiement doit être forfaitaire.

Cette façon de raisonner implique de nouvelles modalités contractuelles :

  • L'indépendant ou le client final contractualise avec l'intermédiaire, pour un mandat de recherche de client ou de fournisseur (XOR : l'un ou l'autre, pas les 2) ;
  • L'indépendant et le client final contractualisent directement, sans passer par intermédiaire.

Vous connaissez mon amour pour les ESN, principaux intermédiaires du secteur. En fait, ma conclusion sera toujours la même : les ESN ont toute leur place tant qu'elles apportent de la valeur (expertise, intermédiation). Posséder un carnet d'adresses et l'entretenir pour créer des opportunités de business a de la valeur. J'ajoute simplement ici : "les ESN ont leur place dans le marché tant que leur rétribution est juste".

De toute façon, c'est peu ou prou ce qu'il se passe : sur les missions longues, le client final finit généralement par tordre le bras à l'intermédiaire pour passer outre le contrat et signer directement avec l'indépendant…

PS : indépendant depuis 4 ans, j'ai traité en direct avec mes clients pour 99.1% de mon chiffre d'affaires.

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